Dans les années 60 acquérir un diplôme universitaire était et demeure, pour les parents de l’étudiant, le sésame qui permettra à leur enfant de s’élever dans la classe sociale, d’avoir ce qu’ils n’ont pas eu ou n’ont pu avoir, faute d’éducation et ceci souvent au prix de nombreux sacrifices. Pour cette raison, la massification engendrée par la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur a été la porte ouverte de l’espoir.

Quarante ans plus tard, la problématique a changé. Pour être pragmatique, les conséquences de cet engouement face à une crise économique mondiale, donc à un marché d’offre d’emploi restreint laissent sur le pavé de nombreux jeunes universitaires. Comme dans tout, l’excès a tué le nécessaire et le bien fondé. Le sociologue Louis Chauvel dénonçait "le sacrifice des jeunes". "Les nouvelles générations connaissent une désespérance profonde et leur soutien au système se délite progressivement : les adolescents des banlieues voient qu'ils n'ont rien à attendre ; les étudiants en licence constatent que leurs diplômes ne leur donnent pas la place que leurs parents auraient eue avec un baccalauréat". Les étudiants ne souffrent pas que de difficultés d'orientation. Ils sont d'abord victimes de l'inflation scolaire qui diminue fortement la valeur de leur diplôme et les contraint à des études de plus en plus longues sans forcément décrocher de diplôme ou de perspectives d'emploi intéressantes »

Dans ce cas, faut-il restreinte l’entrée à l’Université ou bien continuer de créer de futurs chômeurs, alors que l’on manque de spécialistes dans les métiers manuels ? Est-ce l’univers pédagogique qui doit s’adapter à l’entreprise ou l’entreprise qui doit évoluer en tenant compte des formations universitaires ? Est-ce l’étudiant qui doit viser un emploi en entrant à l’université ou choisir les études qui lui plaisent et « voir » ensuite s’il peut s’en servir sur le marché de l’emploi. Pour ma part, je penche pour une réorientation des trois sur leurs objectifs. Car comme pour l’entreprise, qui, si elle souhaite perdurer, doit s’adapter au marché économique, l’Université et l’étudiant doivent s’adapter au monde de l’entreprise. Mais comment mettre en rapport étroit ces trois entités pour permettre à l’étudiant son adaptabilité au marché du travail et son employabilité ?

Un pont entre l’Université et l’entreprise : le stage

Il faudrait d’abord parler le même langage, ou tout au moins avoir une conception identique des mots. Quand on parle de stage en entreprise, les écoles mettent en avant la dimension ‘formatrice’ du stage, les entreprises privilégient la dimension ‘pré-recrutement’, les étudiants l’assimilent à un passage obligé pour la validation de leur diplôme.

Le stage de fin d'études, devrait théoriquement être un tremplin vers l'emploi. Or, si cela est vrai pour les diplômés de haut niveau de formations technologiques, courtisés par les entreprises qui viennent jusque dans les universités les recruter, cela est moins évident pour les autres dirigeants, parce qu’un chef d’entreprise n’est pas un philanthrope. Les deux seules solutions concevables dans leur esprit sont :

 Se « servir » de l’étudiant pour répondre à une problématique, pour compenser un manque de personnel, sans idée d’embauche, avec un retour sur investissement pour rentabiliser le temps consacré à son employabilité.  ou avec l’idée que le stage soit une pré-période d’essai précédant un contrat de travail

Le propre du stagiaire étant de ne pas prendre la place d’un salarié, ce qui est énoncé par :la Loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006 et ses décrets d'application « Aucune convention de stage ne peut être conclue pour remplacer un salarié en cas d'absence, de suspension de son contrat de travail ou de licenciement, pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, pour occuper un emploi saisonnier ». Malgré qu’il soit bien stipulé « remplacer » au lieu de travailler, peu d’entreprises osent sauter ce pas, de peur d’être en contradiction avec la loi, en se servant du stage comme période pour une immersion complète dans l’entreprise avant embauche, tout en sachant que si le stagiaire est tenu de se conformer au règlement intérieur de l’entreprise, il n’a pour autant pas les mêmes obligations qu’un salarié !

Une enquête menée par Hobsons et Kelformation traduit les attentes des Grandes Ecoles et des recruteurs : « Nous pensons qu’il serait irresponsable de critiquer les employeurs en les présentant comme profitant du système des stages : prendre un stagiaire nécessite un investissement réel de la part de l’entreprise, et celle-ci sait trop bien qu’un stage « raté » aura une répercussion sur son « image employeur » ; en effet, les étudiants ne manquent pas de dénoncer les pratiques abusives auprès de leurs camarades et Internet permet la diffusion à grande échelle de ce genre d’information. Cependant, ainsi que le montre notre enquête, les objectifs des écoles, des étudiants et des entreprises en matière de stages ne sont pas forcément identiques ; aussi il est indispensable que formateurs, recruteurs et recrutés potentiels échangent pour bien identifier les besoins des uns et des autres et trouver des réponses satisfaisantes à toutes les parties » concluent Arnaud Gastaud et Eric Charvet

Toujours dans cet esprit, une entreprise qui sera dans un processus de pré- embauche: • accueillira le stagiaire dans de bonnes conditions ; • le formera à la culture d’entreprise et aux missions qui vont lui être confiées ; • l’encadrera, l’intégrera et l’évaluera...

« « Dans notre société, nous ne proposons que des stages qui débouchent ensuite sur une embauche », témoigne Rachid Kbiri, Pdg de Hitechpros, une société de bourse de services informatiques. Ses stagiaires sont issus de formation commerciale à bac +5, en fin de cursus, pour des stages de six mois en moyenne. « Ces stages sont une opportunité pour nos stagiaires de se faire une idée précise de notre métier et, pour nous, c’est l’occasion de tester leurs aptitudes professionnelles. Le choix de nos stagiaires est donc déterminant. Ils doivent passer trois entretiens : un avec le DRH, un avec moi-même et le dernier avec le directeur commercial. » Une fois choisi, le stagiaire est considéré comme faisant partie de l’entreprise. Les premiers jours dans l’entreprise, le stagiaire effectue des tâches commerciales simples pour s’exercer. « Tous les jours, il doit faire un reporting de ce qu’il a fait dans la journée auprès du directeur commercial. » Petit à petit, les responsabilités s’accentuent. Au bout d’un mois, le stagiaire commence à vendre : il a des objectifs à atteindre et il est rémunéré en fonction de ses ventes ! »

Une autre problématique se pose pour les étudiants qui ne trouvent pas les stages qui peuvent leur apporter une véritable formation professionnelle. , car il existe malheureusement, le dirigeant qui de bonne foi et pour avoir bonne conscience envers les jeunes, prendra en stage un étudiant et qui au cours de ce dit stage, n’aura ni le temps, ni l’expérience nécessaire pour s’occuper de lui. Aucun objectif ne lui sera fixé, aucun travail ne lui sera demandé. Faut-il absolument qu’un étudiant fasse un stage pour valider son diplôme, stage qui ne lui apportera rien, non par un manque de sérieux de sa part, mais par un manque d’implication de l’entreprise, ou bien l’université peut-elle leur apporter une autre réponse tel que lui donner la possibilité de créer ou de reprendre une entreprise. A cet effet, plusieurs universités ont mis en place soit des concours de création de projet, soit des formations de création d’activité.

L’Université Lumière Lyon2 a créé une formation supérieure qui a pour but la délivrance d'un diplôme universitaire non homologué de niveau Bac +1 à de jeunes porteurs de projets de création d'activité. « Il vise à transmettre des connaissances fondamentales de base en économie, finance juridique, et fiscalité, et à former à la méthodologie de gestion de projet de création d'activité. » Ce projet a donc pour objectif l'insertion sociale et professionnelle de ce jeune public par le biais de l'acquisition d'un bagage théorique et pratique afin de faciliter leur entrée sur le marché du travail par la création d'une activité.

Relever le défi de la création d'entreprise, c'est ce qu’a proposé l'université François-Rabelais de Tours, aux étudiants de niveau licence, master, Seul ou en groupe, les apprentis chefs d'entreprise ont du élaborer un projet innovant sur le plan technologique ou marketing et le présenter à un jury Les participants ont bénéficié de modules de formation dispensés par des professionnels, d'un accompagnement pédagogique au sein de l'université et d'un suivi de leur projet par des chefs d'entreprise recommandés entre autres par la CCI de Touraine.

Etre employable en entreprise : L’adéquation entre études et employabilité

L’adaptabilité et l’employabilité de l’étudiant répondent à deux critères :  Son parcours personnel de formation  Son stage en entreprise qui peut se révéler le tremplin d’un emploi

Le manque d’adaptabilité des étudiants au marché du travail provient du fait qu’ils suivent un cursus avec comme objectif un diplôme demandé pour exercer certaines responsabilités. Or, ce diplôme, s’il est le fondement qui correspond à la profession, n’est en aucun cas celui qui correspond à la fonction, ni à la vie interne de l’entreprise. L’entreprise évolue et avec elle les besoins. Ces besoins modifient profondément les tâches du salarié. Même s’il ne lui est pas demandé une formation concernant les ressources humaines, tout cadre, tout agent de maîtrise, doit aussi gérer son équipe. De plus, depuis quelques années, chaque entreprise doit prendre en compte, son environnement afin de réduire la pollution et les émissions à effet de serre. Le traité de Kyoto a renforcé cette obligation. Il faut aussi ajouter les risques professionnels afin de réduire les accidents du travail qui sont pour l’entreprise la première des nécessités, chaque accident, chaque absence pour maladie la pénalisant. Il lui faudra en amont, mettre en place les dispositifs intégrés de la gestion du risque, que ce soit dans les domaines de la santé, des collectivités locales, ou tout simplement dans une imprimerie, ou un supermarché. Il ne s’agira pas pour l’étudiant de se satisfaire des fondamentaux de sa licence, de son master ou de son doctorat. Il ne lui suffira pas d’ajouter l’anglais pour travailler à l’international, il devra compléter avec des formations qui sont communes à toutes les professions tels que :  Communication  Bureautique  Qualité et normes  Hygiène et sécurité  Environnement  Gestion des déchets et produits toxiques

Le système LMD face au défit de l’insertion professionnelle, est une première réponse en terme de passerelle, et d’acquis de compétence, le système des crédits lui permettant de personnaliser son parcours. Mais ce système ne sera efficace en terme d’employabilité, que si l’étudiant, qui ne doit pas oublier qu’il est un futur salarié d’entreprise, crée son parcours personnel de formation en adéquation avec les demandes d’orientation des entreprises. Son employabilité et son insertion dépendront donc uniquement de lui, et non de l’Université ou de l’entreprise.

Un échangeur entre l’Université, l’entreprise et l’étudiant : « la bourse de stages »

Pour permettre une plus grande efficacité d’orientation, donc d’employabilité de l’étudiant ; il pourrait être retenu l’idée mise en place entre l’académie d’Aix-Marseille et les entreprises de la région destinée à permettre une mise en regard entre les demandes des lycéens et les offres de stages des entreprises sous forme d’une « banque de stages ». Cet objectif a permit de développer la communication et les échanges réciproques entre les établissements de l’Académie et un certain nombre d’entreprises et de partenaires professionnels. Il suffirait de la transposer par une relation entre entreprises et universités afin de permettre aux étudiants d’orienter non seulement leurs études de base, mais aussi les différentes formations que le système MLD leur permet de choisir.

Avec Internet comme outil, le développement de la Banque de stages en entreprise pourra s’appuyer sur un réseau à la fois de toutes les universités et des entreprises permettant aux dirigeants  d'avoir une meilleure connaissance des Universités et des formations qui y sont préparées.  de présenter leur Entreprise.  de présenter les référentiels des emplois avec les particularités propres à chaque entreprise  de proposer des offres de stage en Entreprise pour des étudiants  de recruter

Les stages d’observation en début et milieu du cursus leur permettant de sélectionner les candidats Le stage opérationnel, en fin de cursus, avec comme objectif l’emploi

Elle permettra aux Universités  A partir du système LMD, de mettre en place de nouveaux modules permettant l’adaptabilité de l’étudiant à l’entreprise en prenant en compte les demandes des entreprises qui sont les besoins du secteur économique et social.  De mettre en relations étudiants et entreprises

Enfin, elle permettra à l’étudiant  d’orienter son parcours personnel en vue de son intégration en entreprise  de choisir son stage en entreprise au plus près de ses compétences, afin de pouvoir transformer ce stage en embauche.  de soumettre les demandes de stages se rapportant à leurs études

En conclusion

Si les Universités essaient de jouer le jeu en se remettant en question, toutes les entreprises n’ont pas cette lucidité sur l’enjeu économique que représente l’avenir des jeunes et des jeunes universitaires en particulier, pas plus que les jeunes eux-mêmes. Tout comme il y a inadéquation entre le stage formulé et l’employabilité de l’étudiant dont l’objectif est d’acquérir et de développer les bases du professionnalisme lors de son stage, il y a inadéquation entre le parcours personnel de l’étudiant et son adaptabilité au marché du travail. Ce n’est que lorsque l’étudiant aura compris la nécessité de viser une profession ou un emploi avant son entrée à l’Université, qu’il pourra plus facilement s’insérer dans le monde professionnel.

Bibliographie

http://www.categorynet.com/v2/communiques-de-presse/emploi/offres-de-stages-:-un-etudiant-a-le-choix-parmi-9-offres-!-2007060746231/

http://www.ac-aix-marseille.fr/public/jsp/site/Portal.jsp?page_id=154 (banque de stages)

http://www.univ-lyon2.fr/UAEU010_251/0/fiche___formation/